« Entrer dans la lenteur du temps. » Dans ce temps décalé, oublié, perdu, dans un lieu décalé, oublié, perdu. A l’écart du monde, dans la ville, enclos dans le silence là où palpitent les corps et les voix des acteurs, leurs présences.
Atelier, lieu de l’abandon et du surgissement.
S’attarder à la simplicité d’un geste, d’une voix, d’un pas, être dans le non-faire, la non-intentionnalité, la non-rentabilité, la pure gratuité. Être inactif, inutilisable, tout à ce que l’on contemple : l’acteur.
Le frémissement, l’incertain d’une présence et cette évidence : ils sont là à n’en point douter. Des présences floues, des apparitions-disparitions. Travailler là, à cet endroit-là : ce tremblé, cette fragile présence d’un corps ; cette possible émergence du Verbe dans un corps. L’acteur seul, démuni, bégayant, balbutiant, cherchera le chant de la langue.
« Je recherche la chambre la plus profonde où l’on ne sait rien. Dans la tranquillité d’un mystérieux abandon, avec l’autre visage et le secret dans sa nudité inexpugnable et silencieuse… » Antonio Ramos Rosa
Dans notre théâtre, l’acteur est un être dépouillé, c’est-à-dire un être qui a vaincu ses résistances intérieures. Il se retrouve « arraché à sa basse ressemblance quotidienne (…), dépouillé de tout ce qui n’est pas sa vie même. » (Gustave Roud).
Nous continuons à chercher cette possibilité libératrice de l’acteur dépouillé.
Quelque chose se libère comme possibilité singulière, comme dégagement du trop plein de soi.
Le travail de l’acteur est pour nous inductif (avec ses états décalés du quotidien), et non déductif (enfermé dans la dualité, le lien cause-conséquence ou la psychologie).
Cela signifie donc que quelque chose reste en suspens chez l’acteur, en abstinence de l’action, en sursis constant, pour atteindre une sorte de transparence de l’être, et révèle un arrière-fond que l’on ne voyait pas et qui apparaît.
Le théâtre devient alors pour l’acteur cette expérience créatrice où le corps, la voix, sont matière silence, matière noire, un rayonnement, sont écriture du rêve.